« Sébastien Le Guen est un équilibriste rompu à sonder objets ou matières toujours dans un souci de grande ouverture aux publics (le bois dans Fall fell fallen, les livres déjà dans Le Rapport Berthier et la pierre dans Masse critique). C’est dans une matière historique, intime et familiale qu’il plonge cette fois. »
« En août 2017, Liliane Bonvallet, alors âgée de 102 ans, lui lègue les derniers effets personnels de son mari, le clown Punch qui exerça au cirque Médrano dans les années 1950 avec cette injonction étrange : « qu’il en fasse quelque chose ». Au travers de ces objets conservés et archivés par le couple Bonvallet, Sébastien Le Guen entame un travail de recherche et de documentation qui le mène du Paris d’après-guerre au cirque Krone à Munich, en passant par les camps de prisonniers en Pologne.
Il nous raconte l’histoire du clown Punch alias Pierre Bonvallet avec une écriture scénique constituée de fragments et de matières (objets, coupures de presse, gestes de cirque) et un dispositif singulier d’agrès. C’est une mise en abîme vertigineuse de son propre parcours d’artiste et d’individu qui se dessine en creux.
Une enquête haletante, sur le fil du sensible, qui s’interroge et interpelle. Une recherche qui devient un dialogue à plus de cinquante ans d’écart avec un duo de clowns mais également un couple, les Bonvallet qui ont minutieusement
archivé, conservé ces traces de leur vie artistique et personnelle, et organisé le fait que quelqu’un puisse (doive ?) s’y pencher en suivant un jeu de piste parfois surprenant.
Elle devient vite pour celui-ci une mise en abîme vertigineuse de son propre parcours d’artiste, jalonné des joies et des drames constitutifs de chaque individu, mais aussi d’une infinité de détails, (comme autant de coups de crayons sur le portrait de ce duo/trio/miroir). Au-delà du témoignage passionnant d’une
époque et de son cirque, des coïncidences troublantes qu’il a pu trouver entre son propre parcours de vie et d’artiste et celui de ces aînés (qui sont peut-être autant de torsions du réel pour ce chercheur-artiste et non historien), c’est une réflexion plus vaste qu’il entreprend sur les objets laissés volontairement ou
non, conservés par choix ou devoir par les proches, sur ce qu’ils racontent, ou ce qu’on leur fait raconter d’une personne.
C’est donc bien la question de la trace laissée par une personne dont il souhaite s’emparer et plus spécifiquement celle laissée par un artiste de spectacle vivant : est-il possible de constituer une trace plus objective (plus juste car plus objective ?) qu’un souvenir, une sensation, une émotion ?
Trace imposée à lui par ces aînés (et que l’enquête révélera comme étant celle rêvée, construite et orchestrée par Mme Bonvallet elle-même) et qu’il accepte de faire sienne dans une réflexion plus globale sur la trace laissée par sa propre œuvre d’artiste/auteur de cirque